Kaouther Bardi et Rym Zribi, deux comédiennes hors pair de la Troupe de théâtre de la ville de Tunis, se retrouvent, pour la première fois seules, sur scène, dans une comédie hilarante mise en scène par Zouhaïer Raïs. La première a eu lieu vendredi dernier au Théâtre municipal de Tunis archicomble.
Cette comédie, qui s’apparente à la variété théâtrale, généreuse et sans vulgarité, a suscité l’enthousiasme du public dont les éclats de rire fusaient tout au long du spectacle. Le texte, signé Zouhaïer Raïs et Habib Ghezal est d’une grande simplicité, même si parfois il s’étire en longueur, raconte les histoires à la fois rocambolesques et malheureuses de deux artistes, Toufaha (Rym Zribi) et Beya (Kaouther Bardi), qui chantent dans un mariage. Au cours de leur entracte, elles relatent leurs expériences avec les hommes qu’elles ont connus. Un récit plaisant truffé de faux-semblants et de fourberies savoureuses et douloureuses. Avec leur costume traditionnel de fête scintillant et leur maquillage chatoyant, Toufaha et Beya, qui essaient de donner de la joie aux jeunes mariés et leur famille respective, ont, au fond, une vie malheureuse. Toufaha a intégré le domaine à la mort de son mari Khemaïs auquel elle est restée fidèle, tandis que Beya, n’ayant pas trouvé l’âme sœur, est restée célibataire.
La pièce est drôle. Elle aborde plusieurs questions en rapport avec la femme, les chagrins d’amour, les frustrations et les espoirs.
Au cours de ces intermèdes, entre un verre d’eau et un entremets, les deux personnages se joignent et se fondent dans un jeu de miroir qui s’avère in fine salutaire. Entre les écarts de l’image de soi et l’image sociale, le combat est rude pour les femmes dont certaines passent par le bistouri pour remodeler leur visage ou leur corps dans l’espoir de plaire à un homme. En quête d’un mari, faut-il passer par des artifices ou s’accepter soi-même ?
Entre une chanson et une danse, chaque protagoniste apporte sa panoplie de réponses. Toufaha, amoureuse de son mari le défunt Khemaïs, veut lui rester fidèle jusqu’à la mort, et Beya finira par accepter son sort de vieille fille et décide de ne pas emprunter les chemins de la chirurgie pour plaire aux hommes parce que celui dont elle rêve est introuvable. Il aurait la tronche de Dhafer Abidine, la finesse de Adnen Chaouachi et la brutalité de Ould Ba. Malgré leur solitude, elles ne renoncent pas à leurs principes et s’entêtent à rester elles-mêmes quoi qu’il arrive.
Zouhaïer Raïs signe une mise en scène sobre dans un décor réaliste : deux chaises, un banc, un brasier d’où se dégage de l’encens pour chauffer les bendirs et en arrière-plan une table garnie de verres et d’assiettes. Les deux comédiennes Kaouther Bardi et Rym Zribi interprètent leur rôle avec beaucoup de talent et de verve. Elles chantent des titres populaires connus par le public. Les danses sont chorégraphiées par Rochdi Belgacemi.
La pièce est un beau moment de théâtre dédié à toutes les « Lellahom » de Tunisie. Un spectacle agréable qui pose un regard à la fois tendre et cruel sur le sort des artistes femmes et leur solitude. A voir sans aucun doute.